Pour Atom Egoyan, personnages et spectateurs sont des voyeurs indiscrets qui cherchent tous à connaître les secrets de l’autre. Ensemble, ils sont à la fois voyeurs et exhibitionnistes. Entre l’écran et la salle, comme entre les danseuses et les clients, il y a un jeu de miroirs. On exhibe une histoire, comme les filles exhibent leur corps, et les spectateurs viennent afficher leur désir de se fondre dans leurs images.
L’exotisme, alors, n’est plus seulement de façade. Car, au terme de ce voyage dans les fantasmes et les pulsions refoulées, l’exotisme devient affaire personnelle : dans le film, ce sont ces régions qui, en notre for intérieur, se révèlent les plus difficiles à explorer. Pourtant, Exotica n’est en rien un film psychologique. L’approche est sensitive et méthodologique. Car l’important, c’est la façon dont chacun arrive à vivre avec son mystère. Et, pour le réalisateur, ce n’est pas tant l’histoire qu’il raconte qui le passionne mais son déroulement.
Cinq personnages se croisent et leurs destins s’entremêlent dans un univers entre rêve et cauchemar. C’est le règne du clair-obscur. Dans un décor étouffant.Avec une musique lancinante, répétitive, aux accents orientaux hypnotiques. Et, dans tous les cas, l’image est un trompe-l’œil. C’est ce thème, central chez Egoyan, qui dicte la forme énigmatique de ses mises en scènes. Symbolisme, recours aux images vidéo, rituels : au spectateur de découvrir, parmi les indices qui s’affichent sur l’écran, sa propre vérité. [...]
Tous les films d’Atom Egoyan sont marqués par la fascination que provoquent les images. Et ils nous poussent, en même temps, à nous interroger sur la nature de cette fascination. L’ambiguïté fait partie du jeu. Jusqu’au malaise. The Adjuster finissait dans les flammes (purificatrices ?). Exotica est, à l’inverse, un film d’eaux dormantes. On s’y trouve comme dans un marécage. Un drôle d’endroit où les eaux seraient originelles : la directrice du cabaret est enceinte et les plus lourds secrets remontent à l’enfance.
Le nouveau piège d’Atom Egoyan a toujours les allures formelles d’ un monde désincarné, dominé par les signes. Mais ce que cherchent, profondément, tous ceux qui entrent à l’Exotica, c’est un peu de chaleur, de sentiment. Exoticase promène dans le labyrinthe des désirs.
Comme le dit le disc-jokey du club, au moment de la fermeture : «Il nous faut vous rendre à vos solitudes. Mais, rappelez-vous : nous restons à portée de rêve».
Emmanuel Chart, 12/1994
Remarquablement cohérent et exigeant sur le plan visuel, le film explore des sentiments et des ambiances marqués par le malaise et l'énigme et progressivement...
Lire la suiteFILM ENVOUTANT