Léaud, très haut
"Comme en un pacte avec le diable, le cinéma a envahi Jean-Pierre Léaud et l'a possédé. Il avait 13 ans...."
Brouillés, un réalisateur de film pornos et son fils retissent des liens au moment où l'un cherche comment finir sa vie ; et l'autre, un sens à la sienne.
Jacques Laurent, pornographe en vogue dans les années 70, se remet à tourner des films pornos à la suite de difficultés financières. Quelques années auparavant, son fils Joseph, avait claqué la porte lorsqu'il avait découvert les véritables activités de son père. Le temps a passé. Aujourd'hui Joseph a 17 ans. Le père et le fils se retrouvent au moment où Jacques cherche comment finir sa vie, et Joseph à donner un sens à la sienne.
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" Parce que la pornographie est le métier retrouvé de Jacques Laurent, Bonello a tenu à le filmer deux fois au tr
" Parce que la pornographie est le métier retrouvé de Jacques Laurent, Bonello a tenu à le filmer deux fois au travail, dirigeant des scènes de cul dont il ne nous est dignement rien épargné. Avec un naturel imperturbable, auquel Léaud infuse sa grande noblesse, il filme deux actrices (Ovidie, Ksandra) jouant à l'amour avec un (Titof) ou plusieurs hommes (Titof, HPG). Pour autant, ces deux scènes X, ces deux leçons de cinéma excitant, ne bousculent pas l'itinéraire du Pornographe. Elles surgissent naturellement dans ce grand fantasme qu'est le film. Ces deux scènes porno, brûlantes, impudiques, belles, rencontrent sur la route du scénario d'autres soeurs en voyeurisme avec qui rimer, soeurs inattendues puisque a priori non pornographiques, mais non moins impudiques, brûlantes, belles: deux scènes de danse solitaires, lascives et saoules; et deux extraits de films, la Comédie de Dieu de João Cesar Monteiro, le Maître du logis de Carl T. Dreyer. Ces trois paires de scènes associées, on aura compris que le sujet qui habite Bonello c'est le cinéma tout entier. Et qu'est-ce que l'histoire du cinéma sinon celle de quelques états du corps humain ?
Cela étonnera ceux qui ne soupçonnent pas une telle incandescence du cinéma moderne, mais c'est avec le cinéma de Duras, Eustache, Garrel, Vecchiali, que le Pornographe dresse des passerelles.
Cinéma de l'abandon, dont il reçoit l'héritage, et auquel on ne cesse de songer dès les premières images : ces parcs somptueux, peuplés d'arbres centenaires, ce Paris traversé de nuit, ces statues qui nous regardent, et ce Léaud minéral. Il est Antonin Artaud enfin réconcilié avec lui-même, tout en sérénité, le dernier acteur en somme, dont la présence chamanique renvoie immédiatement à sa propre histoire. Un Léaud maître du film, par le mystère entier de son corps «fatigué», mélancolique, traversé pourtant d'adolescence, portant Bonello vers l'angoisse qui le ceint : la filiation.
Car ce pornographe a un fils, qui est aussi blond pur que son père est gris de taches. Ce fils, Joseph (Jérémie Rénier, au potentiel d'un Denis Lavant), avait coupé avec ce père en découvrant son métier de pornographe. Joseph est venu maintenant lui pardonner ce mensonge par omission. Il devient, par ce geste, ce fils plus responsable que son père, éternel adolescent idéaliste.
«A quel moment un père devient-il le fils de son fils?», écrit Bonello en préface de son scénario. La réponse à cette question monstrueuse, pour ainsi dire grecque, est dans ce film sphinx, écrit à 27 ans, côté fils, avec Pasolini pour bagage: «L'Histoire, c'est la passion des fils qui voudraient comprendre les pères.» Quand Bonello tourne ce texte, l'automne dernier, il a désormais 33 ans, son regard a dévié vers le père, ses réponses se sont repliées. Lovées quelque part dans ces plans d'arbres impénétrables où bruisse l'entière élégance du Pornographe."
"...Tout le film fonctionne suivant les coupures de rythme de la bande sonore, au gré des bruits urbains et de la nature, des si
"...Tout le film fonctionne suivant les coupures de rythme de la bande sonore, au gré des bruits urbains et de la nature, des silences et des extraits de musique classique (Vivaldi, Haendel, Mahler, Bach...). Les intermèdes musicaux par exemple, où le côté volatile des notes détonne avec l’aspect organique des arbres filmés en gros plans, captent de très belle façon le sentiment du temps qui passe. De même, il faut noter le tour de force opéré lors de la dernière partie, où succède à vingt minutes de quasi-silence (symbolisé par un extrait d’un film muet de Drever) un flot ininterrompu de paroles pendant une quinzaine de minutes. Pour arriver à ce résultat, qui fait du Pornographe un objet cinématographique d’une grande pureté, Bertrand Bonello (...) fait sienne la démarche artistique du pomographe, dégagée pour le coup de tout psychologisme, telle qu’expliquée à son actrice vedette (Ovidie) : c’est au réalisateur d’aller chercher l’émotion et à l’acteur de la contenir."
Matthieu Darras" Car il y a Léaud, bien sûr, mythe vivant qui porte avec lui une histoire du cinéma. En faisant de lui un r&eacut
" Car il y a Léaud, bien sûr, mythe vivant qui porte avec lui une histoire du cinéma. En faisant de lui un réalisateur sur le retour, un peu largué, Bonello prend en charge àla fois sa mythologie et son revers douloureux. Là encore, il ne triche pas : son film a la valeur d'un documentaire juste et honnête sur Léaud, son accablement, ses tourments, sa manière unique d'incarner l'existence et le cinéma ensemble. C'est avec un certain vertige qu'on écoute le long monologue final, déballage très beau, qui prolonge, en le ravivant, celui débuté près de vingt ans avant dans La Maman et la Putain.
A l'opposé de cette justesse, il y a l'obscénité. Pas forcément celle qu'on croit. Le film nous place face à nos contradictions, entre phantasmes (qui aujourd'hui n'a jamais regardé un porno ?) et jugements moraux (le lien du porno à la prostitution...). Bonello montre surtout que l'obscénité a plusieurs visages, le pire avançant masqué, s'insinuant, par exemple, dans les questions intrusives d'une journaliste. L'indécence, c'est aussi cette échappée libre au cours de laquelle Léaud décide soudain de suivre une femme dans la rue, de se faufiler jusque chez elle, réalisant un phantasme vieux comme le monde : pénétrer l'intimité des gens, à leur insu. Cette femme espionnée paraît, à ce moment précis, mille fois plus vulnérable et à nu qu'Ovidie dans le film porno.
De la chair à la grâce, il n'y a qu'un pas que Bonello franchit allegro, dans le sillage de Pasolini, influence finalement majeure ici. Cette grâce, même présente dans les scènes un peu naïves du mouvement de résistance muette créé par la bande de copains de son fils, passe souvent par le silence et la musique. Qu'il s'agisse de la danse déchaïnée, instant de délivrance, sur les Rita Mitsouko. Des ponctuations harmonieuses au clavecin. Des mots énoncés avec calme et résonance (les acteurs, d'André Marcon à Catherine Mouchet, sont ici de grands récitants). C'est le mystère du Ponographe : créer un sentiment d'amplitude intemporelle, tel qu'on peut en ressentir dans un lieu de recueillement. Pas une cathédrale, plutôt un temple ou un sanctuaire, un asile à ciel ouvert, caché derrière les arbres, invisible, imaginaire."
" La pornographie est à la fois au centre et à la périphérie d'un film dont la texture, dépouill
" La pornographie est à la fois au centre et à la périphérie d'un film dont la texture, dépouillée et cristalline, est grave, voire dépressive, tout en étant légère, assez proche en ce sens du premier film de Bertrand Bonello, l'inaperçu, prometteur et sous-estimé Quelque chose d'organique. Elle est une réalité, montrée à travers le récit d'un tournage, en même temps qu'une métaphore qui vaut pour le cinéma tout entier.
Cette dimension réflexive est un des fils du Pornographe mais pas le seul. Car là où un discours un brin didactique pourrait menacer d'envahir son film, Bonello invente toute une série de stratégies pour y échapper. Une grande partie de la force du Pornographe tient d'abord à son rythme et à son sens aigu des durées.
Chaque séquence semble encadrée par une série de points de suspension qui libèrent cette part obtuse du sens qui résiste à la signification. Le mouvement entier du film est contenu dans cette manière d'infuser du silence au coeur des plans (...)
La pratique de la mise en scène est ici un art de la fugue, à tel point que les plus belles séquences de ce film intense sont presque toujours musicales (...) chaque séquence se métamorphosant peu à peu en une ritournelle autonome."
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