
La Troisième vie d'Agnès Varda
VIDEO | 2015, 15' | Agnès Varda enfin palmée ! Les European Films Awards lui ont offert, en décembre 2015 un pri...
Pauline et Suzanne de 1962 à 1970 : deux amies séparées par la vie, chacune militante à sa façon. Un "musical féministe", chronique de l'esprit libertaire 70's.
Paris, 1962. Pauline (17 ans), étudiante, rêve de quitter sa famille pour devenir chanteuse. Suzanne (22 ans) s’occupe de ses deux enfants et fait face au drame du suicide de leur père. La vie les sépare ; chacune vit son combat de femme. Pauline devient chanteuse dans un groupe militant et itinérant après avoir vécu une union difficile en Iran. Suzanne est sortie de la misère et travaille au Planning familial. Dix ans plus tard, elles se retrouvent au cours d’une manifestation féministe.
Le lecteur n'est pas installé ?
Pour votre information, la lecture en mode hors-ligne n'est pas compatible avec le système d'exploitation Linux
" Devant ce film, tout particulièrement, je n'ai aucune envie de me comporter comme un critique de cinéma. J’ai envie d’écrire une lettre a
" Devant ce film, tout particulièrement, je n'ai aucune envie de me comporter comme un critique de cinéma. J’ai envie d’écrire une lettre adressée à Agnès Varda et de l’ouvrir grand cette lettre de manière à faire partager un peu de la paix que son film m’a procurée.
Ou plutôt, non. J’ai envie d’écrire à Agnès Varda une série de cartes postales, comme ses deux héroïnes s’en écrivent d’un coin à l’autre de la France et du monde dans l'Une chante l'autre pas.
Première carte postale (datée du dimanche 13 mars, 17 h).
« Chère Agnès Varda,
Je sors du cinéma où je viens de voir votre film. Je suis content de l'avoir vu en public et non en projection privée. Toute la salle, en ce dimanche après-midi, a bien reçu vos images tranquilles et vos petites phrases courtes. Ils ont ri avec vous, ils ont été émus avec vous, aux bons moments. Je me suis senti parmi eux au chaud dans la douceur d’une tendresse retrouvée. Derrière moi, à l’instant de plus grande sérénité, vers la fin, lorsque les deux héroïnes se regardent dans le soleil après avoir rompu l’une et l'autre bien des amarres, après avoir pérégriné longuement à l'intérieur d’elles-mêmes, derrière moi donc, dans la salle obscure, je me suis retourné et j'ai vu une dame écraser une larme. Elle avait l’air vraiment heureuse. »
Deuxième carte postale (dimanche 13 mars, 18 h).
« Chère Madame,
C'est en tant qu'homme que je vous écris, encombré au centre de gravité de moi-même par l’excroissance que vous savez. Et si je vous écris c'est pour vous remercier de cette pause que représente votre film de la lutte qui nous oppose. Je sais bien que votre combat ne fait que commencer et que vous avez mille raisons de poursuivre votre guerre de libération. En tant qu'homme, il va falloir combattre encore, car je ne vois pas comment je pourrais renier totalement mon sexe et mes habitudes, mais il va me falloir, j’en ai peur, céder encore bien du terrain. Car votre cause est juste. Quelque chose de votre film me le dit, mais pas théoriquement, avec le sourire, confiance, avec l’espoir d’une victoire possible qui épargne l’adversaire par avance.
Voilà pourquoi je parle de pause et de réconciliation entrevue.
Je vois d'ici se froncer bien des sourcils et j'entends déjà les reproches (peut-être justifiés, ce n'est pas mon affaire) que vous feront les sourcilleuses. Il n'empêche que votre film m'a aidé à comprendre, mieux que beaucoup d'autres, ce qui se passe réellement dans la tête et dans le corps d'une femme, lorsqu'elle aime, lorsqu'elle est triste ou gaie, lorsqu'elle chante ou pas. »
Troisième carte postale (dimanche, à la tombée de la nuit).
«Chère Agnès,
En sortant du cinéma où je venais de voir l’Une chante, l’autre pas, j’ai vu grandir la file de Casanova. Il me semble que votre film commence là où celui de Fellini se termine. Toute cette virilité millénaire est visiblement au bord de l'épuisement. Vous seule pouvez nous réconcilier avec notre temps, avec le spectacle de la rue, le visage des gens. J'ai bien failli conseiller aux candidats spectateurs de changer, symboliquement, de file d'attente. »
" C’est un très beau film-roman, un très beau film d’observation, de réflexion critique. (...) Dans L’une chante et l’autre pas, il n’y a
" C’est un très beau film-roman, un très beau film d’observation, de réflexion critique. (...) Dans L’une chante et l’autre pas, il n’y a pas une fausse note, sans jeu de mots. Tout est en situation, tout est dit et tout reste "ouvert" (on pourrait toujours soutenir et avancer une conception, une vision différente).
(...) La plus grande force du film, c’est qu’il échappe à tout schématisme et qu’il est fidèle aux contradictions du réel. (...) La maternité peut être refusée mais elle doit pouvoir être souhaitée, être une joie. Le mariage — au sens de l'établissement durable d'un couple, légalisé ou non — doit pouvoir être évité ou rompu comme il doit pouvoir être voulu. Et l'écriture du film a elle-même les mêmes accents de liberté que sa thématique. Souvent elle s’étire, contemplative devant les conversations, devant les gestes quotidiens, elle écoute longuement Pomme en train de chanter, elle montre longuement Suzanne dans ses activités ménagères. Et soudain elle a des sursauts brusques. Des taudis près de Téhéran. Un sourire. Un visage. Une sortie de métro à Paris. Des figures fatiguées. Les photos faites par Jérôme. Il y a le difficile, l’impossible travail de photographe de Jérôme lorsqu’il fait poser Pomme, habillée puis nue, et qu’il n’arrive pas à capter, à retrouver l’identité de cette amie, choisie, sans aucune équivoque, comme modèle et qui défend ce qu’elle est, qui n’arrive pas à se considérer comme un matériau photographique. Il y a les rencontres fortuites, l’ami musicien découvert avec son petit garçon déguisé en Zorro au bord d’une route et qui s’intégrera un temps à la troupe ambulante, à ses représentations sur des places de village.
La caméra d’Agnès Varda n’est jamais figée. Elle respire. Elle vit, elle vit sensuellement, elle réfléchit, elle pense, elle critique, elle s’interroge sur la durée et le rythme des séquences. Elle est une forme dialectique entre deux expériences entrecroisées avec d’autres, entre des problèmes sociaux et des aventures personnelles, entre la lucidité et la sensibilité. Parfois calme et attentive, presque alanguie, elle sait ailleurs être nerveuse.
Le film (...) est fait d’intelligence, de respect, de chaleur, d’amour de la vie, des gens, grands et enfants, de critique et de tendresse pour la beauté d’une architecture comme pour celle des étoffes, des objets, des paysages, de la musique, des voix, des images et des sons. "
" L’une chante, l’autre pas, c’est du tissé main. Non pas de ces pièces de textile industriel au sergé programmé, rigoureusement conforme a
" L’une chante, l’autre pas, c’est du tissé main. Non pas de ces pièces de textile industriel au sergé programmé, rigoureusement conforme au projet, qu’il soit, somptueux, issu de chez Chanel ou, austère, du « Quotidien des femmes » ; mais un entrecroisement fait d’intelligence, d’aventure et de technique artisanale ; une œuvre personnelle. La trame c’est Pauline qui devient Pomme, et la chaîne Suzanne, Deux femmes différentes et amies dont les croisements comptent finalement moins que le motif général dessiné dans leurs intervalles.
(…) Si le cinéma est l’art de coller des images, alors ce film est du cinéma. Montage de deux scénario d’abord, dont le réseau complexe se développe en savants contrepoints. De la trajectoire de Pomme à celle de Suzanne, il n’y a pas que le pont aérien de leur courrier, mais un vrai produit de facteurs (jeu de mots involontaire). C’est au moment où Pomme commence à entrevoir les démêlés futurs avec son époux devenu autoritaire que Suzanne déclare à son Pierre Aubanel : « Je ne veux pas d’hommes mariés. » La dissemblance des personnalités est éliminée en une commune appartenance de condition. C’est simple, il suffisait d’y penser.
Montage d’images entre elles ensuite, comme si le principe d’un assemblage signifiant se ramifiait à l’infini : de l’artère carotide aux vaisseaux capillaires. Ainsi de la construction en flash-backs, ainsi de ces images inopérantes ou vagues en soi qui soudain s’illuminent d’un sens unique et fort de par la rencontre avec leur voisine tout aussi vague ou inopérante en soi. Bonheur du sémiologue, et jaillissement dynamique de l’idée d’entre des blocs inertes, course alerte de la pensée à la crête de visions quotidiennes.
Collage enfin, pour ce que le terme recouvre de saugrenu, de pas sérieux, pour ce que le résultat a d’antiréaliste, de délibérément fabriqué : à Hyères, une femme s’inquiète ; aussitôt après à Paris, Pomme chante, seins nus, à deux mètres du sol : « Sera-ce un garçon ? Sera-ce une fille ? » Pomme fait cuire un poulet, à sept cents kilomètres ; à la même seconde, Suzanne fait cuire un poulet. Darius et Pomme sont perplexes ; la toile accrochée au mur montre une femme qui l’est encore plus. Le système porte en lui-même sa propre dénonciation, il se regarde faire en souriant. Cela a un nom : l’humour. Car il faut enfin le dire, ce film est comique, et ce film est commenté. Une nouvelle fois fusent les étincelles qu’on avait découvertes dans Du côté de la côte. Des chansons acides et ironiques, un commentaire, deux voix intérieures, mais pas d’humour verbal en circuit fermé ; toujours le texte est accroché à l’écran en ces jeux d’image-mots dont le côté ouvertement futile désamorce un drame qui pourrait peser sur les épaules.
(…) Ce montage audio-visuel Pomme + Suzanne est un discours, on l’a vu, mais aussi un voyage à l’intérieur de la sensibilité féminine. Ce sont les deux femmes qui vivent, parlent et voient, le reste est annexe, y compris la reconstitution d’époque (1962) ; et au travers de leur regard s’exprime une réalisatrice. (…) Ce film est libre, gai, léger comme une robe de toile imprimée sur un corps plein ; c’est- à-dire que parmi le détachement avancé des œuvres féministes, il est le premier, n’en déplaise aux doctrinaires du mouvement, à être aussi du cinéma."
Ciné Phil au sujet de
Petiot au sujet de
Nos offres d'abonnement
BASIQUE ETUDIANTS
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 4,99€ /mois
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
1 | € |
le 1er mois(1) |
SANS ENGAGEMENT puis 6,99€ /mois
PREMIUM
9 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
15 | ,99€ |
/mois |
SANS ENGAGEMENT
*A l'exception des films signalés
BASIQUE ETUDIANTS
49 | ,99€ |
/an |
Sur présentation d'un justificatif(2)
BASIQUE
69 | ,99€ |
pour 1 an |
PREMIUM
99 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
CINÉPHILE
175 | ,99€ |
pour 1 an |
* A l'exception des films signalés
Vous devrez fournir un justificatif de scolarité (carte étudiante ou certificat, en .pdf ou .jpg).
UniversCiné se réserve le droit d'annuler l'abonnement sans possibilité de remboursement si la pièce
jointe envoyée n'est pas conforme.
Offre valable 12 mois à partir de la date de l'abonnement
_TITLE